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Giovanni, 27 ans, professeur des écoles

Comme vous le savez l’épidémie en France aurait commencé en février 2020 dans le Haut-Rhin en Alsace. Pour ma part, j’enseigne dans le Bas-Rhin. En février et mars 2020, il n’était alors pas encore question de porter de masque à l’école, ni ne savions qu’il pouvait y avoir des personnes asymptomatiques. Nous ne savions alors que très peu de choses sur le virus…



Il y a plusieurs origines possibles qui me permettent de penser que j’aurais peut-être contracté la Covid-19 en famille ou à l’école.


Premièrement, mes parents étaient à Milan lors de la saint Valentin en 2020. A ce moment, c’était le début de l’apparition de la Covid-19 en Lombardie. Néanmoins, mes parents n’ont jamais présenté de symptômes à leur retour, ni pendant ma longue période où j’étais symptomatique. Et pour ma part, pendant trois semaines après leur retour je n’ai jamais eu le moindre symptôme. Il est donc moins probable que cela vienne d’eux mais peut-être de mon lieu de travail : l’école où j’enseigne.


En effet, à cette période, une collègue avait début mars 2020 des symptômes grippaux, c’était le lundi. Le mardi, elle était en arrêt de travail mais visiblement, ce n’était pas la grippe saisonnière… Le samedi 7 mars, j’ai commencé à avoir mes premiers symptômes : fièvre, fortes douleurs thoraciques, fatigue intense, toux, mal de gorge, dyspnée. Le dimanche 8 mars, j’appelle le standard des urgences pour être consulté à domicile. La situation était si catastrophique à cette époque en Alsace qu’on m’a dit que tant que je respirais, il fallait que je prenne du doliprane et que je raccroche car ils avaient trop d’appels similaires à gérer ! Le lundi 9 mars, j’ai fini par appeler la plateforme ministérielle qui m’a diagnostiqué comme possiblement positif à la Covid-19.


A ce moment, je contacte mes collègues de l’école et leur indique que j’ai probablement contracté le virus, ayant plusieurs symptômes évocateurs. J’apprends alors que deux autres collègues présentent également des symptômes. Ces deux collègues sont mes deux binômes. L’un d’eux habite dans le Haut-Rhin, c’est la deuxième origine possible. Pendant près de trois semaines, nous avons présenté des symptômes. Sauf qu’après trois semaines, mes deux collègues avaient retrouvé leur état de forme initial quand moi j’étais encore alité et avait de grosses difficultés à remplir mes poumons d’air. Je ne pouvais pas inspirer plus bas que la gorge. J’étais toujours très affaibli et ne pouvais aligner deux pas de suite sans être extrêmement essoufflé…


Malgré cela, comme vous le savez, les enseignants ont dû assurer la continuité pédagogique à distance. Dans l’urgence, il a fallu rapidement se réinventer, rassurer élèves et parents. Pour ma part, il n’était pas envisageable d’abandonner les familles et de penser à ma santé en premier lieu. En tant que fonctionnaire, il était à mon sens normal de remplir ma mission ! Dès la fermeture des écoles au mois de mars, mes élèves ont bénéficié de l’école à la maison. Malgré des conditions de santé catastrophiques, je m’inquiétais davantage pour eux que pour moi.


Au bout de 4 semaines de symptômes, j’ai eu une légère trêve de dix jours. Mais le 7 avril, les symptômes sont revenus à une intensité qui m’a bien affaibli à nouveau. J’ai à ce moment-là pu consulter mon médecin traitant qui m’a fait passer un scanner thoracique en urgence. La conclusion du docteur était la suivante « Absence d’anomalie parenchymateuse ce qui n’exclut pas une infection Covid-19 dans les 3 premiers jours d’apparition des symptômes ». Vous l’avez compris, comme je n’avais pas été testé en mars dès mes premiers symptômes, après six semaines il apparaissait évident que je ne pouvais plus prouver que j’avais bien eu la Covid-19…


C’est là que le parcours du combattant pour prouver que j’avais bien eu la Covid-19 a commencé. Peu de personnes me prenaient au sérieux quand je leur parlais de mes douleurs thoraciques, de mes difficultés respiratoires, de mon essoufflement, des courbatures et de la fatigue intense que j’éprouve au quotidien.


Mon médecin traitant lui m’a écouté et pris au sérieux dès le début mais son remplaçant a voulu chercher une autre cause possible. Il m’a même demandé si ce n’était pas psychologique comme il ne trouvait pas de raison médicale ! J’ai halluciné de voir qu’on pouvait remettre en cause la sincérité d’un patient qui jusque-là n’avait jamais eu de problème de santé, ni ne présente de comorbidité. J’ai toujours été sportif, dynamique et en parfaite santé ! De plus, tout allait bien dans ma vie en tout point de vue. Je connais mon corps et j’étais donc certain qu’il y avait quelque chose d’anormal qui se passait en moi !


A la fin du mois d’avril, mon médecin traitant a dû me mettre en arrêt de travail pour deux semaines. Je n’avais aucune énergie et me sentais comme un papi. J’avais trop épuisé le peu de ressources que j’avais en stock et il me fallait cette fois-ci un vrai repos. Je ne pouvais me reposer correctement comme j’assurer la classe à distance quotidiennement.


Le 11 mai 2020, j’ai passé la sérologie, j’étais certain qu’elle serait positive et pourtant elle était négative… J’ai repris le travail en présentiel à l’école le 16 mai. J’étais volontaire pour reprendre l’école et heureux de retrouver une partie de mes élèves mais j’étais toujours essoufflé et bien fatigué. Quand mes élèves montaient un étage, je n’avais monté que quelques marches. J’avais l’impression d’être devenu une personne âgée alors que je n’ai que 27 ans !


Ensuite, de fin mai à mi-juin, je me sentais légèrement mieux. Mon médecin m’avait prescrit de l’azithromycine a deux reprises avril et juin. Cela m’avait un peu soulagé à l’époque. Mais le 17 juin, mes douleurs thoraciques étaient à nouveau présentes. Nous avons alors essayé de chercher une autre cause que la Covid-19. J’ai passé un scanner du rachis cervical. Mais nous n’avons trouvé aucune anomalie.


Le 23 juin, je consulte alors un pneumologue mais les résultats étaient rassurants : j’étais à 98% de mes capacités !


Tout le mois de juillet, je me sentais mieux, la fatigue était désormais légère, je me pensais donc sur la voie de la guérison !


Mais début août, j’ai eu une grosse rechute. J’étais en vacances en Sicile dans ma famille. Tout se passait bien et puis du jour au lendemain, j’étais à nouveau très essoufflé, fatigué intensément avec d’importantes douleurs thoraciques, des courbatures. Je suis resté trois jours alité ! A mon retour en France, j’ai fait deux prises de sang mais celles-ci n’indiquaient pas de carence, ni d’anomalie. J’ai aussi repassé la sérologie, elle était toujours négative ! Personne ne trouvait ce que j’avais…

Mon médecin traitant m’a alors fait consulter un cardiologue le 18 août en raison de mes douleurs thoraciques présentes quotidiennement. Il pense d’abord à une grippe mal soignée et m’invite à faire un test d’effort deux jours plus tard. Ce jour-là, mon cardiologue m’a aussi mis sous aspirine par précaution et prévention afin d’éviter une phlébite… Cela fait plus de six mois que je prends de l’aspirine quotidiennement, mais j’ai toujours autant les jambes lourdes !


Le 20 août au matin je passe un scanner thoraco-abdomino-pelvien avec injection, mais les résultats sont une nouvelle fois rassurants. L’après-midi du même jour, je suis à l’hôpital pour réaliser le test d’effort. Mon cardiologue constate alors que l’effort sur tapis est « maximal et négatif sur tous les plans (cardio-coronaire, respiratoire, tensionnel, etc) ». Tout est rassurant ! L’infirmière qui l’assistait ce jour-là me confiait qu’à l’hôpital elle avait plusieurs collègues dans le même état que le mien : eux aussi négatifs à la sérologie… Mon cardiologue me prescrit tout de même une IRM cardiaque par principe et note bien sur l’ordonnance que je suis un « patient ayant des manifestations multiples de type Covid-19 ».


En septembre, j’ai repris l’école à mon plus grand bonheur. Je me sentais légèrement mieux et en capacité de travailler. Le 6 octobre, j’ai passé l’IRM cardiaque qui n’indiquait pas de quelconque souci.


Néanmoins, fin novembre, j’ai rechuté du jour au lendemain et de façon très intense comme au mois d’août 2020. J’ai dû m’arrêter pendant deux semaines à nouveau. J’étais tellement épuisé et essoufflé au moindre effort ! J’ai alors passé un test PCR mais il était négatif. Je reconsulte aussi mon cardiologue qui me confie qu’il est probable que c’eût été la Covid-19 et qu’elle se soit baladée dans mon corps. Il me represcrit trois mois d’aspirine et une ampoule de vitamine D tous les 15 jours, ainsi qu’une friction aux huiles essentielles à appliquer au thorax quotidiennement.

Après ce deuxième arrêt de travail, j’ai repris le chemin de l’école. J’ai tenu jusqu’aux vacances d’hiver mais le mois de décembre était physiquement compliqué.


Début janvier 2021, j’ai été en arrêt de travail pour la troisième fois depuis avril 2020. Je présentais à nouveau les mêmes symptômes. Mon médecin m’a remis alors sous azithromycine, il pensait à une bronchiolite comme le test PCR était une nouvelle fois négatif. Après une semaine, j’ai donc repris le travail en serrant les dents et j’ai tenu jusqu’aux vacances de février.


Arrivé au 20 février 2021, je retourne voir mon médecin traitant pour lui indiquer que je suis toujours très fatigué, essoufflé, courbaturé, que j’ai toujours ces décharges électriques et cette oppression au thorax, que la fièvre vient et part… Je repasse encore une fois un test PCR qui est toujours négatif. Cependant, je repasse aussi la sérologie. Et je constate à mon grand étonnement, il faut dire qu’après onze mois je ne m’y attendais presque plus, que j’étais en réalité les fameux anticorps. J’étais en effet positif à la sérologie du COVID-19 avec 58,80 UA/ml (la positivité commençant à 13 UA/ml). La conclusion du laboratoire ne laissait donc plus de doute « présence d’IgG spécifiques en faveur d’un contact avec le Sars-coV2 (Covid19).


Depuis cette date, j’ai déjà vu trois fois mon médecin traitant en moins de dix jours. Il m’a remis en arrêt de travail car je n’ai plus à ce jour la force, l’énergie et la concentration indispensables pour enseigner. Je ne sais pas quand est-ce que je pourrai à nouveau retourner à l’école, ni quand ma santé me permettra de retrouver mes sensations d’avant.


J’ai commencé des séances de kinésithérapie en mars 2021, nous travaillons la respiration et faisons également de la rééducation sportive. J’ai aussi contacté le CHU de Strasbourg pour participer à un protocole expérimental de recherche sur sur les patients ayant un Covid-long. Je suis dans l’attente d’une date de rendez-vous de leur part.


Heureusement, durant ces douze mois, je n’ai jamais perdu espoir. J’ai toujours bien été accompagné et soutenu par mes proches, mes amis, mes collègues, mes élèves et leurs parents. J’ai la chance malgré tout d’avoir pu reprendre mon travail de professeur des écoles à plusieurs reprises malgré mes arrêts de travail. Je n’ai jamais eu de trouble du sommeil, de perte de poids ou de moral. Je sais la chance que j’ai de ne pas être rentré dans un état de dépression et je le dois à toutes ces personnes qui n’ont cessé de m’écouter, me croire et me soutenir.

Le combat est long mais ensemble nous y parviendrons !


Aujourd’hui, je continue d’avoir des symptômes persistants à intensité et durée variables. Les symptômes les plus fréquents sont les douleurs thoraciques, la fatigue intense, les céphalées, les courbatures, la faiblesse musculaire dans les jambes, dyspnée et essoufflement à l’effort ou encore des difficultés de concentration. J’ai parfois aussi une légère fièvre, l’auriculaire qui s’engourdit et de légers troubles de la mémoire à court terme, mais heureusement ces symptômes sont moins fréquents.


En classe, cela devenait de plus en plus compliqué d’enseigner avec le masque. Les douleurs thoraciques quotidiennes, l’essoufflement, les maux de tête et les jambes lourdes étaient malheureusement un frein à l’exploitation de mes capacités au service de mes élèves. J’étais obligé de m'asseoir régulièrement au bureau, moi qui avant pouvais passer dans les rangs et davantage aider les élèves. J’étais aussi obligé par moment d’ouvrir la fenêtre et de retirer le masque car j’avais l’impression de manquer d’air... J’ai suivi ma classe de l’an dernier et ils m’ont vu changer en un an. J’étais si dynamique l’an dernier, ils se sont inquiétés de me voir ainsi me détériorer et rechuter au fil du temps.


J’ai toujours fait au mieux pour assurer la classe et faire passer mes élèves au premier plan. J’ai même travaillé pour eux lorsque j’étais au plus mal car j’aime passionnément mon travail. Mais je n’ai jamais guéri et j’ai dû tout de même m’arrêter déjà quatre fois en une année alors qu’avant j’étais toujours en parfaite santé.


Aujourd’hui, pour parvenir à bout de mon entêtement, c’est 3 scanner, 1 IRM, 1 test d’effort, deux consultations chez le cardiologue, une chez le pneumologue, 6 prises de sang, 3 test PCR et 4 fois celle de la sérologie pour ENFIN prouver que c’était bien la COVID-19 ! En revanche, comme la sérologie était auparavant négative, je ne sais pas si je l’ai contractée deux fois ou si mon corps n’a réussi à produire d’anticorps qu’après de nombreux mois. Cela reste un grand mystère…


Certaines tâches du quotidien sont encore parfois très difficiles. Je suis essoufflé lorsqu’il faut s’accroupir, monter les escaliers ou encore prendre une douche... J’ai du mal à tenir debout sur les jambes. Au bout de quelques minutes il faut que je m’étire, m’allonge, voire contraint de me reposer ! Il m’est très difficile de me remettre au sport : rien que d’étendre le linge, faire la cuisine ou encore le ménage sont une épreuve physique parfois ! J’ai 27 ans mais à certains moments j’ai l’impression d’en avoir désormais les chiffres inversés : 72 ans !


Heureusement, le moral et le mental suivent mais je n’ai plus le corps que j’avais avant. C’est un mal qu’on ne voit pas et surtout c’est un mal qui n’est pas présent toute la journée. C’est aussi ce qui fait que certaines personnes, comme ils ne le voient pas, n’y croient pas toujours ! On peut être bien pendant une heure et ensuite plus rien ne va, c’est très imprévisible…


J’encourage les autres personnes qui sont négatives au test PCR ou à la sérologie de ne rien abandonner. Chaque patient est différent mais nos témoignages sont concordants, c’est un véritable parcours du combattant quand tout indique le contraire de ce vous pensez. Fort heureusement, je n’ai jamais écouté les personnes qui me disaient que c’est purement psychologique. J’en témoigne car j’ai moi-même mis 11 mois à prouver ce qu’intimement je savais depuis mars 2020…

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